Qu'est-ce que le "totalitarisme" ?

Publié le par Ritoyenne

Skildy écrivait, à propos de celui dont (je cite) "on ne peut pas être plus totalitaire" :

"Aprés les expériences totalitaires du siècle passé l’étude de Heidegger, à l’université comme dans l’enseignement secondaire, devrait être conçue comme l’étude d’un cas d’instrumentalisation totalitaire de la culture philosophique. (...) Il s’agit essentiellement, dans la mesure où la philosophie est atteinte de plein fouet par le nazisme de Heidegger, d’étudier philosophiquement comment un auteur peut être parvenu à instrumentaliser et à corrompre la philosophie à des fins totalitaires abjectes."

Nous ne nous intéresserons pas aux thèses farfelues de Skildy, mais à ce que cache le mot "totalitaire". Pour ça, voici un des cours que les élèves de L2 de Paris4 ont pu suivre durant ce second semestre.
Le cours a été écrit et dispensé par Hélène L'Heuillet, et trouvé sur le site e-cursus.


Le totalitarisme

Introduction : Pour la deuxième partie de ce cours de philosophie politique, nous abordons ce qui paraît l’antithèse de ce que vous avez étudié au premier semestre, le libéralisme : le totalitarisme. Peut, semble-t-il, être dit totalitaire ce qui s’oppose à la liberté, et les idéologies que l’on nomme totalitaires, la nazisme en Allemagne, le stalinisme dans l’ancienne URSS, qu’elles aient été de  « droite » ou de « gauche », ont eu en commun de se présenter comme une réaction à la démocratie libérale.

 Historiquement, le terme est employé en ce sens par ceux qui s’en réclament. Enzo Traverso, dans l’introduction à l’anthologie intitulée Le totalitarisme, Le XXè siècle en débat (Paris, Seuil, coll. « Points », 2001), fait l’histoire du mot : l’adjectif « totalitaire » (totalitario) apparaît dès 1923  dans les écrits des antifascistes italiens pour désigner l’État mussolinien. Puis l’adjectif est substantivé et revendiqué par le fascisme. En 1925, Mussolini revendique « la féroce volonté totalitaire de son régime », ce qui, selon lui, signifie « Tout dans l’État, rien en dehors de l’État, rien contre l’État ». Le philosophe officiel du régime, Giovanni Gentile (1875-1944) lui donne une assise théorique. L’article « Fascisme » paru en 1932 dans l’Enciclopedia italiana sous la signature de Mussolini mais écrit par Gentile exprime l’opposition du totalitarisme au libéralisme. « Total » signifie en un premier sens « holiste » ( de olos en grec —esprit rude et accent sur le premier omicron—), par opposition à « individualiste ». Est dite holiste toute conception du vivre ensemble selon laquelle le tout l’emporte sur la partie, donc sur l’individu. Gentile écrit en effet : « Anti-individualiste, la conception fasciste prône l’État (…). Le libéralisme met l’État au service de l’individu ; le fascisme réaffirme l’État comme la véritable réalité de l’individu. (…) Dans ce sens, le fascisme est totalitaire » (Traverso, p. 126).

Dès cette première acception, et même si le fascisme italien s’est plus développé comme une tyrannie classique que comme un totalitarisme accompli, des traits se dessinent qui nous conduisent aux grandes lignes de notre problématique. Antimoderne, car hostile à l’individualisme de la modernité, le totalitarisme apparaît néanmoins comme une tyrannie d’un  genre nouveau, comme une forme moderne de la tyrannie. Construit contre le libéralisme, « il représente la négation la plus absolue de la liberté » (Hannah Arendt, La nature du totalitarisme (1954), trad. de l’anglais par M-I B. de Launay, Paris, Payot, 1990, p. 67).

D’emblée, les contemporains soulignent le caractère inédit de ce type de tyrannie et de despotisme. Le totalitarisme emprunte à la tyrannie, et au despotisme, mais il se distingue. Ainsi, Luigi Sturzo, antifasciste italien, écrit dans l’État totalitaire, dont la première édition paraît en 1935 : « Léviathan a deux siècles et demi d’histoire. Cependant on sent une différence entre le passé et le présent » (p. 217 dans l’anthologie de Traverso). De même Leo Strauss dit en 1948 : « Il n’est pas nécessaire de faire preuve de beaucoup d’attention ou de réflexion pour s’apercevoir qu’il y a une différence  essentielle entre la tyrannie telle que l’ont analysée les classiques et celle de notre temps » (Introduction à De la tyrannie, trad. H. Kern revue par A. Enegren, Paris, Gallimard, 1954, revue en 1997).

De là, une première série de questions portant sur la nature des régimes. De quel ordre est la distinction entre le totalitarisme et la tyrannie classique ? Est-ce une simple différence dans la mobilisation des moyens mis en œuvre pour opprimer, comme le dit Leo Strauss : « La tyrannie d’aujourd’hui, contrairement à la tyrannie classique, dispose de la « technologie » et de l’ «idéologie » » (p. 38). Ou bien la différence est-elle une différence de structure ? Faut-il, pour  comprendre le  totalitarisme, s’appuyer sur les anciens ou les abandonner ? Dans un premier temps du cours, nous allons tenter de déterminer ce qu’est un régime totalitaire, en en recherchant la nature et le principe, et en en examinant les spécificités : parti unique, encadrement de la société, règne du soupçon qui sont les moyens de la  « négation absolue de la liberté » (p. 67). Nous le distinguerons de la tyrannie classique et du despotisme pour tenter d’en cerner la spécificité. Nous  suivrons pour cela les analyses de Hannah Arendt, Raymond Aron et Leo Strauss. Cette première partie concernera le totalitarisme historique : l’Allemagne sous Hitler, l’URSS sous Staline.

Un deuxième type de questionnement s’impose aussi, qui porte sur le rapport de la modernité et du totalitarisme. Nous nous demanderons si la modernité du totalitarisme tient seulement à la modernité des moyens et s’il est autant antiindividualiste que ses premiers partisans prétendent l’être :  marque-t-il une rupture avec la modernité ou s’inscrit-il dans le prolongement de celle-ci ? Si la modernité se caractérise comme l’ère de la démocratie et donc comme celle de l’individu, ainsi que l’a montré Tocqueville, il faut chercher à savoir si le totalitarisme nie la démocratie ou s’il procède de la même logique. Cette question conduit à s’interroger sur la relation du totalitarisme avec la démocratie : y a-t-il un totalitarisme démocratique, le  totalitarisme est-il un refus de la démocratie sur les fondements mêmes de la démocratie, ou est-il une forme de la violence politique qui correspond à l’ère des masses ? Il faudra également se demander s’il faut s’interdire  d’en rechercher des germes dans le passé et d’en étendre la portée au présent et à l’avenir. Cette seconde partie portera donc sur le totalitarisme comme concept. Nous tenterons de répondre à ces questions en nous appuyant sur des textes de Herbert Marcuse, Karl Popper, Ernst Cassirer et de Claude Lefort.

 

LA SUITE DU COURS EST INDISPONIBLE.



VOIR
Documents sur le nazisme

 

Publié dans Le "cas Heidegger".

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
oui il y a des constantes du totalitarisme (et par exempel il est facile et assez "amusant" de retrouver les constante entre par exemple le totalitarisme de l'Inquisition, de la théocratie, et les formes totalittaires présentes actuellement) mais je crois moi aussi qu'il y a un rapport spécifique entre le totalitarisme et la modernité, comme l'a bien montré Zygmunt Bauman, dans son analyse du nazisme.En passant voici un texte interessant qui en analysant un domaine particulier et une psychologie totalitaire particulière (et particulièrment  "d'avenir"! ) aide je crois aussi à comprendre la nature du totalitarisme, et celle de l'homo totalitarius:http://unairneuf.blogs.psychologies.com/billets/2008/01/hygienisme-legi.html
Répondre
J
Ce n'est pas grave ^^ ... Enfaite j'ai un devoir ( Donner les diférence entre democratie et totalitarisme ) Dèja , graçe a votre debut de cour j'ai pu commencé mon devoirs ( je en refuse pas les aide =D ) ps : Dsl pour les faute d'orthographe je n'est pas trop le temps >
Répondre
R
Malheureusement pour vous, la suite du cours est maintenant indisponible. Suite à la demande de son auteur, ce cours a été retiré de notre site (nous n'avons conservé que l'introduction).Riri.
Répondre
J
Jvous connez pas , jconnait pas l'école mais merci bcp pr ce cours sa m'aide bcp ...Super sympa ^^
Répondre